SHADOWS OF THE WEST
Spain, 2013
Une bicoque de bois déglinguée, une chapelle aux murs blancs digne d'"Il était une fois dans l'Ouest", un troupeau de chèvres au pied d'une colline, le couloir d'une prison au mur de briques, la rue en terre de Westerntown, bourgade qui bourgeonne dans un climat aride et brûlant… Au détour d'une image, un cow-boy sort de l'ombre, flingue à la ceinture. Ce far-west compile les icônes du western, tel un copieux hamburger mitonné dans un diner nord-américain. La série photographique explore, entre minutie et inquisition, le genre phare du cinéma, synthèse des trajectoires humaines : conquête, émancipation, liberté, cruauté, nostalgie…
ANDALOUSIE
Cet univers hostile, où tout semble à construire, c'est ici le sud de l'Espagne, plus précisément l'Andalousie, qui compte des terres cousines avec les grands espaces américains. On y retrouve déserts (notamment le désert de Tabernas, qui abrite de célèbres décors de western et a accueilli plusieurs centaines de tournages de cinéma), reliefs rocheux et terres arides, visiblement impropre à quelque culture que ce soit. Dans ces espaces de sable, roches et arbustes, où les éléments ont bridé la nature depuis des siècles, à seulement quelques dizaines de kilomètres d'Almeria, le cavalier s'imagine aisément chevauchant vers le far-west américain, à la recherche d'une autre vie, riche d'inconnue et d'aventures.
LA FIN D'UNE EPOQUE
Shadows of the West reprend d'abord l'ambiguité du genre western, dans un premier temps exclusivement au service des valeurs fondatrices de l'Amérique - quitte à prendre un peu de liberté avec quelques faits historiques peu flatteurs - et de la sainte trinité des cow-boys : armes, alcool et tabac. Les paysages arides, désertiques ou abandonnés, renvoient aussi à une autre dimension du genre, qui a su se renouveler au fil du temps, témoignant avec plus d'objectivité de l'Histoire, et de la civilisation de ces terres lointaines. Le notable présent sur la 4e de couverture de ce recueil pourrait très bien être Ransom Stoddart, l'homme de loi campé par James Stewart dans le magnifique film de John Ford "L'Homme qui tua Liberty Valance". Cette oeuvre charnière, qui date de 1962, s'extirpe au forceps de la loi du plus fort, qui roule dans la poussière comme un cow-boy touché. Ce film signe aussi la fin d'une époque - la valeur et l'attachement intangible à une terre, à un toit, parfois abandonné - en même temps qu'il ouvre la porte à de nouvelles valeurs, comme la justice et l'éducation.